Les laboratoires indiquent toujours, pour chaque paramètre demandé, une fourchette de valeurs de référence. Les normes sont systématiquement définies en vue d’inclure 95% de la population « saine » dans cet intervalle de référence, avec 2,5% des sujets au-dessous et 2,5% des sujets au-dessus de la fourchette proposée. C’est une règle vraiment générale !
On commencera par s’interroger sur cette population de référence dite normale. Cela ne me pose aucun problème dans la majorité des cas, mais on doit évoquer certains couacs épidémiologiques. En effet, il faut savoir que différentes carences affectent une large frange des populations résidant en Europe de l’ouest : vitamine D (manque de soleil) ; sélénium, iode et soufre (pauvreté des sols) ; fer (règles abondantes, déficit en protéines)…
Un excellent exemple de l’inadéquation des valeurs de référence nous vient de la Thyroid Stimulating Hormone (TSH) secrétée par l’hypophyse pour accroître la production hormonale de la glande thyroïde. Plus la TSH s’élève, plus la glande thyroïde est faible. Une controverse de longe date concerne la borne supérieure des références de la TSH, classiquement définie entre 4 et 5. Il apparaît aujourd’hui que la population caucasienne ayant servi de contrôle « sain » pour établir les limites de la TSH était en réalité largement contaminée, si j’ose dire, par des sujets présentant une pathologie thyroïdienne à bas bruit. On y trouvait des sujets atteints d’un goitre (gonflement de la glande thyroïde) et beaucoup de porteurs d’auto-anticorps antithyroïdiens, nombreux dans la population caucasienne.
En introduisant une proportion significative de sujets légèrement hypothyroïdiens – la conséquence typique des thyroïdites auto-immunes et la cause principale des goitres – on a biaisé l’établissement des valeurs de référence. Depuis lors, des calculs effectués sur un échantillon d’individus préalablement sélectionnés en fonction d’un bilan sanguin dépistant ainsi les porteurs d’auto-anticorps, et d’une échographie de la glande dépistant les goitres, aboutissent à de toutes autres valeurs.
Cela ne signifie évidemment pas que toute personne dont la TSH dépasse 2,5 souffre d’hypothyroïdie mais bien qu’une telle éventualité doit être envisagée en confrontant ce résultat suspect aux autres résultats biologiques ainsi qu’aux symptômes éventuels. Dans la zone dite « grise » de la TSH entre 2,5 et 4,5, on peut affirmer : pas de symptômes, pas de traitement. Il faut seulement surveiller l’évolution biologique de temps à autre.
On conclura donc qu’il existe, à tout le moins, une certaine paresse de la glande thyroïde. Dans les cas où une TSH plutôt haute (zone grise) s’accompagne de taux hormonaux dans la moitié supérieure des normes, on peut considérer que la glande thyroïde répond à la sollicitation de l’hypophyse et il n’y a donc pas matière à s’inquiéter.
Le détail des références scientifiques expliquant cette controverse peut être trouvé dans la conférence « Thyroid« , rubrique « Functional Hormonology« , dans l’onglet « Conferences » sur mon site internet www.gmouton.com. Son téléchargement (fichier PDF) est gratuit.
Il faut vraiment visualiser le résultat et le replacer mentalement sur une échelle graphique imaginaire allant de la référence minimale à la maximale (sans oublier les éventuelles retouches destinées à optimiser la fourchette). L’idéal serait de toujours représenter les résultats graphiquement ; certains laboratoires le font parfois mais cela devrait se généraliser pour tous les paramètres biologiques courants.
On éviterait ainsi le ridicule de ces bilans successifs où deux valeurs pratiquement égales sont répertoriées de façon totalement contradictoire : « normale » juste au-dessus du seuil inférieur et « anormale » juste au-dessous de ce seuil. Alors qu’il s’agit, en réalité, de résultats parfaitement identiques si l’on tient compte des erreurs systématiques de mesure.