Dans cette saga traitant des effets (trop peu) connus de l’hypothyroïdie, passons à présent aux phanères, c’est-à-dire aux cheveux, ongles et poils. Comme déjà vu pour la peau, ils nous en apprennent beaucoup sur l’existence d’une fonction thyroïdienne défaillante.
On constate souvent une perte de cheveux anormale répartie sur l’ensemble du cuir chevelu, par contraste avec la perte davantage localisée sur le front et le sommet en cas d’excès d’androgènes et, chez les hommes, à caractère héréditaire. Une pilosité défaillante peut évidemment résulter d’autres causes comme le déficit en fer qui est à rechercher systématiquement. Détectée à temps, la perte de cheveux d’origine thyroïdienne s’avère généralement réversible et de superbes petites repousses viennent consoler les patients correctement diagnostiqués et traités… D’autres patients souffrent de pelade, à savoir l’apparition souvent brutale de plaques sans cheveux, typiquement liées à des phénomènes auto-immuns et pouvant faire suspecter une thyroïdite auto-immune, cause d’hypothyroïdie.
On note parfois des pertes de poils, au niveau des cils et des sourcils. La chute de la partie extérieure des sourcils survient chez peu de sujets mais, lorsqu’on observe ce symptôme, on posera le diagnostic d’hypothyroïdie (symptôme dit « pathognomonique »).
Quant aux ongles, ils constituent à mon sens une excellente indication du statut thyroïdien, une information malheureusement brouillée par un bataillon d’autres facteurs entraînant la fragilisation de l’ongle. Ces facteurs balaient une large gamme de déficits en nutriments, du calcium au zinc en passant par diverses vitamines et acides gras insaturés. Les patients hypothyroïdiens se plaignent fréquemment d’ongles cassants, trop facilement fendillés ou dédoublés. Ils ne parviennent pas à les laisser grandir à leur guise ou ils doivent les limer à tout bout de champ pour faire disparaître les petites aspérités qui s’obstinent à revenir…
Globalement, au niveau des phanères tout comme pour la peau, on parlera de sécheresse : ongles secs et cheveux secs, cassants, fins, aplatis, sans corps, ternes, sans « vie ». Le coiffeur peut être le premier à remarquer les signes d’une détérioration du tonus thyroïdien.
L’anémie représente un marqueur extrêmement intéressant pour entamer la recherche des hypothyroïdies frustes. En effet, la relation entre anémie et hypothyroïdie est parfaitement reconnue et fait l’objet de nombreuses publications à consulter dans ma conférence ad-hoc, sur le site internet www.gmouton.com (rubriques Conferences – Functional Hormonology – Thyroid). Ce lien s’explique facilement : il faut absolument des hormones thyroïdiennes pour stimuler la production d’érythropoïétine par les reins. Cette hormone, qui n’est autre que la fameuse EPO hautement médiatisée chez les sportifs, stimule à son tour l’activité des moelles osseuses productrices des globules rouges qui contiendront l’hémoglobine.
Un lien puissant a également été publié entre hypothyroïdie et déficit en fer, ce qui nous fournit une deuxième cause à l’anémie, indépendante de la première déjà expliquée par les reins (elles s’additionnent). Le manque de fer en temps que tel aggrave la fatigue frappant presque toujours les hypothyroïdiens, mais on en reparlera plus tard, si vous le voulez bien.
Le rôle des hormones thyroïdiennes au niveau des reins dépasse largement celui du nécessaire stimulus de la synthèse d’érythropoïétine. Il existe, en effet, un lien majeur entre hypothyroïdie et insuffisance rénale, lequel n’est pas expliqué sur le plan physiologique et dès lors très largement méconnu de la profession médicale. La relation n’en est pas moins forte et c’est parfois désespérant de voir tant d’ignorance, en particulier dans les cas modérés où l’affaiblissement de la fonction rénale peut encore être récupéré. Il faut admettre que les thyroïdologues parlent rarement aux néphrologues et vice-versa : beaucoup de problèmes ne viennent-ils pas de l’aberrant « saucissonnage » du corps humain?