Par Alain ANDREU — en collaboration avec le Dr Résimont.
La fatigue est l’une des premières plaintes en consultation. Cette lettre n’a pas pour ambition d’explorer toutes les causes possibles de la fatigue ; si nombreuses que l’on pourrait y consacrer un livre entier. Aujourd’hui, nous explorerons une cause majeure et souvent ignorée dans les cabinets médicaux : la déficience, ou insuffisance surrénalienne (« adrenal fatigue » en anglais).
La déficience ou fatigue surrénalienne : un concept non reconnu en médecine conventionnelle
Les deux glandes surrénales se situent au sommet des reins et se font face, « en miroir ». Elles sécrètent à elles seules plus de 40 hormones, sur les deux régions identifiées de cette glande : la région médullaire et corticale.
La medullo -surrénale sécrète principalement les catécholamines (adrénaline, noradrénaline) qui agissent sur le rythme cardiaque et la tension artérielle. Leur effet stimulateur est dit « sympathomimétique ».
La corticosurrénale sécrète plusieurs familles d’hormones (plus de 40 hormones en tout ) :
Les glucocorticoïdes (cortisol et corticostérone)
Les minéralocorticoïdes (aldostérone, faisant partie du système rénine-angiotensine-aldostérone)
Les androgènes surrénaliens (DHEA, androstènedione…)
Ces hormones jouent un rôle capital dans l’équilibre sodium/potassium , c’est le cas de l’aldostérone qui influence la tension artérielle
Nous nous intéresserons ici à deux hormones : le cortisol et la D.H.E.A., même si, pour cette dernière, le terme d’ « hormone » est contestable, en l’absence de récepteur spécifique identifié à ce jour.
Le cortisol : hormone vitale de l’énergie et du stress
Le cortisol ou hormone du « stress » joue également un rôle dans la glycémie et possède « deux faces » comme Janus, le dieu romain à deux visages. En effet, il fait preuve d’ effets opposés selon le dosage utilisé. Quoiqu’indispensable pour le corps humain, le cortisol (dont le terme générique de « cortisone » se réfère à son métabolite inactif)- n’a pas bonne presse dans le grand public et une partie du milieu médical. Cela est dû à l’usage de formes synthétiques, qui sont de puissants anti-inflammatoires, jusqu’à 5 fois plus puissants que la forme bio identique. Ces traitements rendent un service remarquable mais provoquent des effets secondaires bien connus (rétention d’eau, ostéoporose, diabète, hypertension, baisse de l’immunité, prise de poids…), d’autant qu’ils sont souvent prescrits à des doses massives, non physiologiques, telles que 1 mg/kg pour la prednisolone (Solupred®). Ainsi, seules les pathologies graves de type maladie d’Addison (dont souffrait le président J.F. Kennedy : déficit en cortisol et aldostérone) sont prises en charge. Pourtant, entre le noir (Addison) et le blanc (tout va bien), il y a toute une nuance de gris à prendre en compte, comme pour toutes les hormones.
A fuir le cortisol ? Un défaut de cortisol provoque la mort dans les 24 à 48h.
Tout laboratoire doit donc être en mesure d’effectuer son dosage en urgence.
En effet, le dosage biologique du cortisol peut être une urgence vitale. En l’absence de cortisol, les mitochondries, centrales énergétiques de la cellule, s’arrêtent de fonctionner.
C’est une hormone surprenante, qui a l’instar de la mélatonine possède son propre cycle selon l’heure du jour (on parle de cycle circadien ou nycthéméral). C’est elle qui vous permet de vous lever le matin, en vous donnant l’énergie nécessaire pour bien démarrer la journée. En cas de burn out, lorsque les surrénales sont épuisées, la chute de cortisol est telle que vous avez beaucoup de mal à sortir de votre lit.
Si vous regardez le graphe ci-dessous, vous observerez un pic important de cortisol vers 6h du matin, suivi de quelques autres pics plus petits dans la journée. En soirée, passé 21 heures, il ne DOIT plus y en avoir, afin de laisser la place à deux autres hormones aux puissants effets antioxydants et réparateurs, la mélatonine et l’hormone de croissance, qui agissent, en coulisse, pendant la nuit.
L’exposition au soleil du matin permet d’activer la sécrétion de cortisol. En soirée, l’obscurité induit celle de la mélatonine.
Le graphe suivant montre le cycle circadien de la mélatonine et du cortisol en parallèle :
Le cortisol est une hormone indispensable pour la santé, le bien être et la performance1. Sa déficience peut provoquer des allergies, de l’hypotension, une fréquence cardiaque élevée, une peau hypersensible, des cernes sous les yeux, un visage creusé, un caractère irritable, un besoin fréquent d’uriner, des douleurs corporelles, accès de rage, fringales sucrées en fin de journée…Cette déficience enflamme donc à la fois le corps et le caractère, rendant la vie difficile au quotidien. Certaines infections, comme la candidose intestinale, peuvent en être la cause. Une infection virale de type grippale également, en faisant baisser l’ACTH (hormone hypophysaire dont le rôle est d’induire la sécrétion de cortisol), provoque inévitablement une baisse de cortisol2. Concernant la candidose, la chute de cortisol induit des compulsions sucrées en fin de journée, lesquelles entretiennent en retour, au sein du tube digestif, la croissance de la levure candida albicans qui raffole du sucre : c’est le serpent qui se mord la queue ! Outre les tendances aux allergies, la déficience chronique en cortisol comme en DHEA peut probablement induire à la longue des pathologies auto-immunes, comme cela a été observé pour la polyarthrite rhumatoïde3.
Nous avons énuméré au début de cette lettre les effets secondaires connus de la cortisone à haute dose, fréquemment relayés par les médias grand public qui ne font pas la différence entre ces traitements à base d’hormones de synthèse et ceux, à faible dose, d’hydrocortisone bio-identique. A faible dose, l’hydrocortisone bio-identique aide au contraire à brûler les graisses, à ne pas être submergé par la fatigue, et à mieux résister au stress.4 En plus de ses effets anti-inflammatoires évoqués plus haut ; le cortisol aurait même des propriétés anti-oxydantes. En neutralisant les radicaux libres, il minimise l’endommagement des tissus lors des situations de stress où des niveaux importants de radicaux libres sont produits5–7.
Avec l’âge, ses taux ont tendance à baisser : cela ne se voit généralement pas dans les classiques dosages sanguins, mais plutôt dans les métabolites urinaires ou lors de la pratique d’un dosage salivaire sur 4 à 5 temps de la journée, appelé Cortisol Awakening Response.
Cette baisse de cortisol avec l’âge est appelée en anglais « inflammaging » (adrénopause en français) car elle induit souvent des maladies inflammatoires.
Quels dosages de laboratoire ?
- Le dosage sanguin du cortisol à 8h et 16h :
C’est l’analyse la plus pratiquée. Hélas, ce n’est pas la plus sensible pour les déficiences modérées en cortisol. On lui préfère le CAR (voir plus loin) D’autre part, elle ne devrait pas être interprétée isolément. Parmi les paramètres sanguins à ajouter au bilan :
- Cortisol libre
- Transcortine ou CBG (protéine de transport, élevée en cas de carence en cortisol)
- CT/CBG = cortisol biodisponible (valeurs santé 56-114)
Mais aussi les autres hormones surrénaliennes :
- DHEA sulfate (valeur santé 8-12 umol/l)
- Prégnénolone
- Hormone de croissance (ou IGF1)
- 6 sulfatoxymelatonine (SMT) (= dosage de la mélatonine)
Pourquoi doser ces autres hormones ?
La prégnénolone (préhormone directement issue du cholestérol) doit avoir un taux suffisant en tant que précurseur du cortisol. Certains praticiens préfèrent d’ailleurs prescrire ce précurseur pour faire monter les taux de cortisol plutôt qu’avoir recours au cortisol bio-identique (hydrocortisone). En effet, le phénomène de « pregnenolone steal » ou « vol de la prégnénolone » a été décrit comme une conséquence possible, en cas de surproduction de cortisol, amenant à un effondrement des taux de prégnénolone8.
Le « pregnenolone steal » ou « vol de la prégnénolone » en situation de stress pour la synthèse de cortisol :
OPINION : THERAPIES HORMONALES ET « MEDICOTROUILLE »
En tant que non-médecin, je n’ai pas l’expérience pour juger de l’efficacité du traitement à l’aide d’un précurseur hormonal tel que la prégnénolone en lieu et place de l’hydrocortisone bio identique. Il y a plusieurs courants de pratique en médecine fonctionnelle et je les respecte. Cela ne m’empêche pas d’émettre quelques doutes sur la capacité de la prégnénolone à combler toutes les carences en cortisol. Il y a dans le milieu médical, y compris chez les endocrinologues dont c’est pourtant la spécialité, une sorte de « médico-trouille » quant à la prescription d’hormones en dehors du cadre du diabète, de la thyroïde et à la rigueur de la ménopause, tâche laissée aux gynécologues. On observe la même réserve quant à la prescription d’hormone thyroïdienne active T3, dont il faut savoir manier le ratio avec la T4, cette dernière étant hélas trop souvent prescrite seule (voir lettre thyroïde N°2). L’adrénopause et l’andropause également sont souvent complètement ignorées ou négligées. Ainsi, j’ai eu des retours de patients andropausés fortement déficients en testostérone qui se sont vus prescrire par leur endocrinologue de la DHEA « à la place » de la testostérone. Hélas, si la DHEA est une source importante de testostérone chez la femme, elle ne parvient généralement pas à faire monter les taux de testostérone chez l’homme, dont la source principale provient des cellules de Leydig au niveau du testicule.
La DHEA doit se situer dans les normales hautes pour protéger des effets secondaires du cortisol
Un excès de mélatonine induit une baisse du cortisol : attention aux doses élevées ! (hors décalage horaire)
L’hormone de croissance abaisse naturellement les taux de cortisol. C’est un des paramètres sur lesquels le praticien en médecine fonctionnelle pourra jouer (si carence en IGFG1) pour ajuster un cortisol trop élevé (avec la mélatonine et l’ocytocine).
Également le dosage de certains minéraux ou métabolites. Le phosphore et l’urée donneront une idée de l’apport alimentaire en protéines animales, qui en cas de faible consommation (végétalisme) peuvent induire une carence en cortisol.
Ci-dessous une évaluation de l’activité surrénalienne (laboratoire LIMS) issue d’une conférence du Dr T.Hertoghe :
- Le test de stimulation à l’ACTH (test au Synactène) :
Le principe est d’administrer une dose importance d’ACTH pour stimuler les surrénales. Si celles-ci sont en bonne santé, elles peuvent plus que doubler la production de cortisol.
Selon le docteur Hertoghe, les doses couramment utilisées en ACTH sont trop élevées (250 ug), capables de « réveiller » des surrénales très fatiguées et donc de passer « à côté » des déficiences surrénaliennes modérées.
Dosages urinaires sur les urines de 24h
Les 17 hydroxystéroïdes vont donner une idée de 50% des métabolites du cortisol et les 17 cétostéroïdes explorent les métabolites des androgènes surrénaliens. Ces tests sont peu prescrits à ce jour et ont même été abandonnés par le laboratoire Cerba, principal sous-traitant auquel font appel les laboratoires de Polynésie. Ils donnent cependant une image intéressante des métabolites du cortisol après activité. Idéalement ces dosages sur urines de 24h devraient être ramenés par gramme de créatinine (laboratoire LIMS).
Le test salivaire du cortisol
Pratiqué sur 4 moments de la journée, c’est le test actuellement plébiscité par les praticiens en médecine fonctionnelle. Il explore le cortisol libre, c’est-à-dire la forme active du cortisol.
Ci-dessous une image montrant le pic matinal naturel en cortisol. Chez un patient en burn out, ce pic matinal sera très abaissé, en dessous de la zone verte. Selon le docteur Résimont, le burn out, dont l’une des causes premières viendrait d’une fuite de magnésium dans les urines induite par les catécholamines, est une pathologie injustement psychiatrisée à l’aide de médicaments psychotropes qui ne traitent aucunement la cause. L’ajustement de divers paramètres, dont le cortisol, mais aussi les neurotransmetteurs (à l’aide de précurseurs) permettrait d’en sortir assez rapidement, évitant des arrêts de travail longue durée.9
Comment augmenter naturellement ses taux de cortisol :
- En optimisant le cycle circadien.
Il existe une saisonnalité dans la sécrétion de cortisol et l’activation des gènes pro inflammatoires. Les taux seraient plus faibles en été qu’en automne et en hiver et dépendraient de l’heure du lever du soleil. La latitude semble aussi influer sur les taux de cortisol. Quoi qu’il en soit, s’exposer au soleil du matin et se protéger de la lumière bleue des écrans le soir est le meilleur moyen de préserver son rythme circadien.
Ce serait également un bon moyen de prévenir l’hypertension et le syndrome métabolique10–12.
- En pratiquant la cohérence cardiaque
La cohérence cardiaque pratiquée 3 fois par jour permet globalement de baisser les taux de cortisol MAIS de faciliter sa sécrétion en situation de stress. Elle augmente également les taux de DHEA, pro hormone protectrice13.
- En consommant de la réglisse riche en glycyrrhizine.
La réglisse est anti-inflammatoire et anti-ulcéreuse. Attention cependant à la consommation de réglisse en cas d’hypertension. En inhibant une enzyme et en activant les récepteurs aux minéralocorticoïdes, la réglisse induit des niveaux élevés en cortisol qui peuvent à leur tour avoir des effets néfastes sur la tension et le ionogramme sanguin (potassium abaissé entre autres)14
- En prenant des plantes adaptogènes (phytothérapie des surrénales)
L’Ashwagandha, la rhodiole, le pois mascate, Shissandra, Ginko Baloba. La première plante en particulier, utilisée depuis des millénaires en médecine ayurvédique (mais interdite en 2014-2015 en France avant d’être ré-autorisée…) a des effets bien documentés en tant que modulatrice des surrénales. C’est également une des rares plantes à avoir démontré sa capacité à augmenter les taux de testostérone chez l’homme (avis aux amateurs).15,16
Si la phytothérapie ne fonctionne pas :
(Source Pleine Santé, Résimont/Andreu)
Le traitement au cortisol bio-identique chez la femme :
15 à 30 mg répartis comme suit selon persistance des signes de fatigue :
Au réveil : 10 à 15 mg d’hydrocortisone
A midi : 10 à 15 mg
A 16h 0 à 5 mg
Si inflammation : Prednisolone 5mg au repas du matin
Methylprednisolone 2-4 mg au repas du matin
Le traitement au cortisol bio-identique chez l’homme :
20 à 40 mg d’hydrocortisone répartis comme suit :
Au réveil : 10 à 20 mg
A midi : 10 à 15 mg
A 16h : 0 à 5 mg
Si inflammation : Prednisolone : 5- 6 mg au réveil
Methylprednisolone : 4 mg au réveil
Mon expérience :
Suite à un traitement inefficace de la thyroïde à la thyroxine seule pendant plus de 15 ans, j’ai rapidement souffert d’un déficit en cortisol non dépisté se manifestant par un cortège incessant de conjonctivites (j’ai dû tester tous les collyres du marché) et de rhinites plus ou moins soulagées par des antihistaminiques, du Solupred® à doses importantes voire des injections de corticoïdes (Diprostène®) qui me « dopaient » quelques jours et dégageaient provisoirement ma sphère ORL. Les chutes de tension n’étaient pas rares également, et j’errais péniblement dans les coursives de l’institut Louis Malardé avec un 9/6 de tension artérielle. Le médecin du travail notait souvent une tension « pincée » avec les chiffres de diastole et de systole trop rapprochés, témoins d’une hypothyroïdie mal traitée comme je l’appris plus tard. Enfin, les fringales sucrées en fin de journée contribuaient à maintenir un état inflammatoire larvé : la boucle était bouclée.
Aujourd’hui supplémenté en hydrocortisone (+ DHEA), je ne souffre plus d’allergies et je vois le cortisol d’un œil bien plus bienveillant qu’autrefois !
La DHEA ou prastérone : alliée indispensable du cortisol
Forte baisse du taux de DHEA avec l’âge :
Bien que découverte dans les années 1930, la D.H.E.A. a connu la célébrité aux U.S.A. et en France plus tardivement par les travaux de Samuel Yen et du professeur Etienne Baulieu (spécialiste de la progestérone). C’est l’hormone la plus abondante dans l’organisme, sous la forme de DHEA sulfate. L’étude du professeur Baulieu « DHEAge » initiée dans les années 1990 a montré les bénéfices de sa supplémentation, surtout chez la femme. Loin d’être « l’élixir de jeunesse » présenté dans les premières années, la D.H.E.A. améliore de nombreux paramètres lorsque quelque chose ne va pas. Le professeur Baulieu en prend depuis la soixantaine, même s’il a toujours été en bonne santé. Il a 97 ans et a été décoré le 1er janvier 2023 « grand croix » le plus haut degré de la légion d’Honneur par le président de la République.
L’évocation même du nom du professeur Baulieu nous rappelle la médiatisation autour de son « bébé » très controversé le R.U. 38486, sur lequel j’ai travaillé au début de ma carrière de technicien dans le département de pharmacocinétique chez Roussel Uclaf à Romainville. La chose n’était pas aisée à l’époque, et mes collègues se souvinrent longtemps des manifestants anti-IVG rencontrés à la sortie du centre de recherche. La « pilule abortive », ou RU486, avait projeté son nom dans tous les médias, ce qui n’est pas toujours bien vu dans le milieu médical. En France, à propos de la DHEA, le principe de précaution s’est vu transformé en « principe de suspicion » selon E.Baulieu, à la fois par l’AFFSAPS (devenue ANSM après le scandale du Mediator®), le ministère de la Santé, et le Conseil de l’Ordre des médecins (une institution créée sous le régime de Vichy, dont la collusion avec les autorités peut interpeler : celui-ci ne conseille pas aux médecins de prescrire la D.H.E.A.).
Etienne Emile Baulieu, à l’INSERM en 2008.
Par conséquence, aucun laboratoire ne s’est lancé dans sa commercialisation malgré une demande importante, et l’on assiste à un approvisionnement par internet ou par les voyages en produits américains de bonne qualité17. Se procurer de la DHEA en France comme à Tahiti nécessite donc une ordonnance et une préparation magistrale (onéreuse) de la part du pharmacien.
Sans financer aucune étude, les autorités continuent régulièrement à raconter que la DHEA contribue à l’apparition du cancer et des maladies cardiovasculaires, en dépit de l’expérience de nombreux médecins sur le terrain qui constatent exactement le contraire18, mais aussi plus de 20.000 études dont 97% confirment les effets positifs et préventifs de cette molécule19–26 !
Si l’étude DHEAge du professeur Baulieu a montré les effets positifs de cette molécule chez la femme il semble que, chez l’homme, elle agisse « en coulisses » avec des effets plus subtils, que la durée de l’étude, trop courte, n’a pas permis de mettre en évidence27.
DHEA : une « hormone » sans récepteur ?
C’est en effet le grief qui est parfois évoqué à propos de la DHEA dont il n’existe pas de récepteur spécifique. Cependant, elle agit sur les récepteurs GABA et NMDA au niveau du système nerveux central (comme les benzodizépines, les barbituriques ou l’alcool) et contribue grandement à la sensation de bien être.
Chez les malades d’Alzheimer, elle est souvent 50% plus basse que la moyenne.
Ratio DHEA/Cortisol
Le ratio DHEA/Cortisol est de 10/1 à l’adolescence, permettant de faire face à toutes les situations de stress. Avec l’âge, les choses se gâtent : à 60 ans il n’est plus que de 1/1.
Des effets positifs connus sur la densité osseuse et sur la peau
Cette étude aura permis de confirmer certains effets positifs de la DHEA chez la femme âgée comme le résume l’ « abstract » de la publication du professeur Baulieu :
« Outre le rétablissement d’une concentration « jeune » de DHEAS, une légère augmentation de la testostérone et de l’estradiol a été observée, en particulier chez les femmes, et peut être impliquée dans les manifestations physiologiques et cliniques significatives rapportées ici. Le renouvellement osseux s’est amélioré sélectivement chez les femmes de plus de 70 ans, comme l’ont montré la technique d’absorptiométrie à rayons X à double énergie (DEXA) et la diminution de l’activité ostéoclastique. Une augmentation significative de la plupart des paramètres de la libido a également été constatée chez ces femmes âgées. Une amélioration de l’état de la peau a été observée, en particulier chez les femmes, en termes d’hydratation, d’épaisseur de l’épiderme, de production de sébum et de pigmentation. Un certain nombre d’indices biologiques ont confirmé l’absence de conséquences néfastes de l’administration de 50 mg/jour de DHEA pendant un an, indiquant également que ce type de thérapie de remplacement normalise certains effets du vieillissement, mais ne crée pas de « surhommes/femmes » (dopage). »
Selon le docteur Rueff, le lien entre la déficience en DHEA et la perte de densité osseuse est un « grand classique » à prendre en considération. La DHEA a également un impact bénéfique sur le risque cardiovasculaire, un effet protecteur vis-à-vis du cancer du sein et de la prostate (cancers de la prostate agressifs si DHEA et testostérone déficients), sur la résistance à l’insuline, la libido, sur la prise de poids liée à l’âge18.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la DHEA n’est pas réservée qu’aux personnes âgées, mais à toutes celles et ceux qui en sont déficients ! Ainsi, toute fatigue inexpliquée dès la trentaine mérite d’être explorée par un dosage de « sulfate de DHEA ». Cette analyse est à préférer au dosage de la DHEA par RIA car la forme sulfate correspond à la forme circulante dans l’organisme. Ajuster ses taux de DHEA à des valeurs fréquentes rencontrées à la trentaine permet de mieux résister au stress en rééquilibrant le ratio cortisol/DHEA.
DHEA et longévité : taux plus élevés à Okinawa, « zone bleue » riche en centenaires
Sans surprise, plusieurs études pointent du doigt des taux de DHEA, de testostérone et d’oestradiol plus élevés chez les personnes âgées résidant à Okinawa par rapport à ceux mesurés chez leurs homologues occidentaux. Okinawa au Japon est une « zone bleue » connue pour abriter une forte concentration de centenaires, et cette bonne santé hormonale contribue sans aucun doute à la longévité de ses habitants28. Lors de la dernière année de vie, les taux sont proches de zéro.
DHEA, posologie et contrôles sanguins :
La posologie la plus courante chez la femme se situe autour de 25mg maximum, et 50 mg par jour chez les hommes. On trouve sur internet les dosages les plus courants de 5, 15,25, 50 et 100 mg. En pharmacie, la préparation magistrale autorise des dosages plus personnalisés. Quoi qu’il en soit, la posologie sera à moduler en fonction des dosages sanguins de sulfate de DHEA. En effet, un dosage trop élevé (ex : 100mg) peut induire quelques effets secondaires gênants (peau grasse, acné), en particulier chez la femme sujette au SOPK (syndrome des ovaires polykystiques), déficiente en zinc. Chez l’homme, l’excès de DHEA peut se transformer en oestradiol, néfaste pour la santé de la prostate sur le long terme.
Quand la prendre ?
Energisante, la prise matinale est conseillée. En cas de bilan sanguin avec dosage de DHEAS, la DHEA devra exceptionnellement être prise le soir les deux jours précédant la prise de sang.
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