Quand une personne est sous antibiotique et qu’on lui conseille de prendre des probiotiques, voici généralement ce qu’elle nous répond : « Je vais manger des yaourts ». J’ai entendu cette phrase tellement souvent que je me suis dit qu’il fallait une petite mise au point, des arguments et surtout des preuves pour mettre fin à cette idée reçue.
Pourquoi se soucier du microbiote quand on prend des antibiotiques ?
J’invite le lecteur à consulter l’article « Pourquoi prendre des probiotiques avec les antibiotiques ? », extrait de mon livre Conseils pratiques de nutrithérapie aux Editions Medicatrix (Marco Pietteur) pour connaitre les protocoles que je préconise. Disons qu’en résumé l’ antibiotique fait son travail en tuant les bactéries pathogènes responsables de l’infection, mais ravage également les microbiotes (flores intestinale, buccale, et vaginale chez la femme).
Et si la flore met 2 mois pour ne se restaurer qu’à 80% (plusieurs mois sont nécessaires pour remise en état à 100%), la prise de probiotiques s’avère utile voire indispensable !
Pourquoi les yaourts sont inefficaces ?
Les yaourts contiennent bel et bien des probiotiques, les Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus. Il est dès lors normal de penser qu’ils puissent aider à combattre ou éviter la diarrhée induite par l’ antibiotique… Mais en réalité ils sont, dans cette optique, purement inutiles. Les raisons sont multiples :
- Les souches ne sont pas spécifiques au traitement de la diarrhée. Elles peuvent néanmoins aider à digérer le lactose.
- Leur nombre est insuffisant : 125 millions par pot (1 million par gramme).
- Le yaourt est pris en fin de repas et les probiotiques sont en très grande partie tués par l’acidité de l’estomac.
- Le yaourt contient peu de lactose mais certains sont enrichis en poudre de lait. Dans ce cas le yaourt, par effet osmotique du lactose, favorise la diarrhée !
Pour combattre la diarrhée induite par les antibiotiques il faut des souches ayant fait leur preuve, comme les lactobacilles de l’espèce Rhamnosus par exemple.
Il faut un nombre important de probiotiques : 10 milliards étant un minimum, on peut aller jusqu’à 20, 40 voire 60 milliards par jour ! Il faut comparer pour bien comprendre : 20 milliards de probiotiques (UFC ou Unités formant colonies) correspondent en nombre à 160 yaourts et 60 milliards à 480 yaourts !
Le yaourt passé au test
Critiquer le yaourt peut paraître facile, un peu trop facile… A-t-on des preuves de son inefficacité ? Et bien oui !
Des chercheurs ont testé le yaourt dans un essai contrôlé randomisé. Les participants (369 au total) ont été divisés en 3 groupes : yaourt au bifidus bio, yaourt du commerce bio, et pour le groupe « contrôle » pas de yaourt. Il y avait même un protocole en double aveugle pour les deux types de yaourts (tous deux de 150ml à la fraise). L’étude a duré 12 jours et a commencé le premier jour de l’ antibiothérapie. Bien que les résultats fussent légèrement différents dans les 3 groupes ils furent statistiquement non significatifs. Ce qui prédisait le risque de diarrhée avec l’ antibiotique était surtout la sensibilité individuelle (renseignée par de précédents épisodes diarrhéique sous antibiothérapie), plus que l’action du yaourt en lui-même.
Les auteurs ont conclu que l’étude avait échoué dans la démonstration d’un effet anti-diarrhéique du yaourt en cas de prise d’antibiotiques…
Conclusion
En cas d’antibiothérapie les probiotiques s’avèrent nécessaires. On choisira des souches documentées scientifiquement sur leur efficacité.
Référence
Conway S, Hart A, Clark A, Harvey I. Does eating yogurt prevent antibiotic-associated diarrhoea? A placebo-controlled randomised controlled trial in general practice. Br J Gen Pract 2007 Dec;57(545):953-9.